Cher·e·s Collègues,
Cher·e·s Ami·e·s,
Cher·e·s Camarades,
Mesdames et messieurs les élu·e·s,
Monsieur le président de la CNR,
Bravo à toutes et tous pour votre mobilisation nombreuse ce jour et merci d’avoir répondu à l’appel de la Fédération CGT des cheminots, de l’UIT, de l’URIF-CGT, de l’UD CGT 94 et de l’UL Rungis, car vous le savez, la CGT fait de la bataille pour ce train une mobilisation nationale et interprofessionnelle alors que les questions de climat sont une préoccupation majeure dans la période et particulièrement chez les jeunes, mais j’y reviendrai.
C’est toute La CGT qui entend sauver cette liaison ferroviaire « historique » et emblématique entre Perpignan et Rungis.
Si ce train est certes un symbole, son principal atout est qu’il présente de véritables potentiels de trafics, une pertinence économique, une nécessité sociale et écologique.
La mobilisation pour le sauver, depuis la fin mars et l’annonce de l’arrêt de l’exploitation de ce train au 30 juin, ne cesse de grandir et de rassembler largement, parfois au-delà des clivages politiques. Au 15 juillet, en fait, date de la fin de la saison haute, d’après ce que nous a confirmé le cabinet de la ministre ce matin.
Merci aux nombreuses et nombreux élu·e·s mobilisé·e·s, qui sont à nos côtés aujourd’hui.
Je ne vous citerai pas toutes et tous pour ne pas en oublier, avec un salut particulier aux élus des villes, territoires et département du Val-de-Marne et bien au-delà de notre département, notamment autour du collectif « sauvons le Perpignan-Rungis » à l’initiative du collectif des cheminots communistes. Ceux qui le souhaitent pourront nous dire quelques mots.
En ce moment même, un rassemblement se tient une nouvelle fois en préfecture des Pyrénées-Orientales, en simultanéité de notre rassemblement parisien, avec un appel très large à la mobilisation. Ils ont d’ailleurs été reçus par le Préfet la semaine dernière.
Malgré nos demandes répétées pour être à la table de discussion du groupe de travail, le refus du ministère demeure. C’est aussi la raison de notre rassemblement de ce jour.
Pour autant, nous avons été reçus ce matin par son directeur de cabinet. Rien de nouveau, au-delà du sujet technique et politique du train de primeur, nous avons pu échanger largement aussi sur le fret ferroviaire.
La mobilisation engagée n’est pas pour rien dans ce rendez-vous, d’autant que nous sentons le ministère pris sur ce dossier, à la fois par les politiques des transports menés par les gouvernements successifs depuis 2003, mais aussi par la non-acceptabilité sociale de l’annonce de l’arrêt de ce train et du transfert sur la route.
Cette mobilisation, il faut le souligner, est plutôt inédite pour défendre un train. Et encore plus pour défendre un train de marchandises.
Inédit, mais pas étonnant alors que se développent depuis plusieurs mois, notamment à l’appel de la jeunesse, et aujourd’hui dans un cadre bien plus large, des marches pour le climat dont la régularité s’accélère.
À chaque fois la mobilisation est importante dans ces manifestations. C’est un enjeu essentiel pour l’avenir même de l’humanité, un enjeu immédiat pour respirer de l’air pur etc., un champ d’intervention large nécessitant des politiques publiques fortes et des outils publics efficaces pour y parvenir !
L’exemple des transports, qui représente 60 % des émissions des gaz à effet de serre, est en cela un chantier colossal. Pour ce qui est plus spécifiquement du transport des marchandises, laissé à l’auto régulation du marché, on voit le résultat : c’est du tout camion !
La part modale routière ne cesse de croitre, celle du ferroviaire a baisser pour atteindre 7 %, elle était de 14 % en 2006, année de l’ouverture à la concurrence en France.
En cela, le capitalisme même maquillé en vert ne peut répondre aux besoins immédiats que nous impose l’urgence climatique.
Et ce qui se passe avec ce train est l’illustration à la fois des choix politiques pris pour le ferroviaire dans le pays, mais aussi des choix stratégiques pris par la SNCF quant à son activité fret.
Ce train, comme l’activité toute entière du fret SNCF, subit ces choix, avec une organisation hyper-rigidifiée, une séparation qui, au-delà de sa nature comptable, l’est sur toute la chaine de production, restant sur des niches et générant ainsi des coûts fixes plus importants.
Le site ferroviaire de Rungis, implanté au coeur du MIN, le plus grand d’Europe, je le rappelle, a vu son activité ferroviaire réduite ces dernières années : fermeture du chantier combiné, suppression du deuxième train en 2017, alors qu’un investissement important a été réalisé par les collectivités territoriales, comme le département du Val-de-Marne et la région Île-de-France, qui ont investi, il y a quelques années, en 2015 précisément, près de 20 millions d’euros pour moderniser la gare du MIN de Rungis.
Ces investissements avaient aussi été réalisés en partenariat avec la Semmaris et la SNCF afin d’assurer la pérennité d’une alimentation ferroviaire du MIN.
Dans cette desserte, la SNCF n’assure que la traction de ce train, le transporteur étant une alliance Rey/Rocca, le train au retour vers Perpignan est couplé à des wagons au porte-auto du Train Auto Couchette dont la fermeture du service est annoncée en décembre.
À ce titre, l’arrêt du service autotrain est tout aussi scandaleux. Il est l’illustration de l’abandon face à la route alors qu’à l’image des trains de nuits, le développement de la qualité de service et des moyens mis sur la recherche et le développement de la construction de voiture couchettes permettraient de réinventer un service économe, populaire et de qualité.
L’avenir du train des primeurs est conditionné à l’achat de nouveaux wagons ayant un coût de 25 millions d’euros que FRET SNCF ne veut pas supporter, alors qu’il y a de quoi charger deux trains par jour et cela six fois par semaine au départ de Perpignan Saint-Charles. Les cheminots du Matériel estiment qu’avec 15 000 € de réparation par wagon, ils pourraient rouler encore quelques années. Le ministère nous a dit ce matin que ce dernier argument va être approfondi.
À Perpignan, la plate-forme logistique de fruits et légumes Saint-Charles International est l’une des plus importantes d’Europe, avec ses 200 000 m² d’entrepôts climatisés.
Chaque année, ce sont 1,6 million de tonnes de fruits et légumes qui transitent par ce pôle (1 million au MIN de Rungis), représentant 31 % des entrées et 24 % des sorties de fruits et légumes du pays (hors bananes).
Si cette liaison venait à disparaître, cela représenterait l’équivalent de 25 000 camions supplémentaires/an sur nos routes avec des dégâts considérables, comme l’augmentation de la pollution, de l’accidentologie et de la congestion du réseau routier dont une A9 déjà saturée, avec plus de 9 000 camions/jour au point frontière du Perthus. 1 camion toute les 6 secondes sur l’A86 en Val-de-Marne. Sur l’emploi, la position centrale du marché Fruits & Légumes de Perpignan Saint-Charles pourrait être remise en question au profit de Barcelone, avec comme conséquences plus de 6 000 emplois supprimés dont plus de 3 000 emplois induits !
D’ores et déjà, la mobilisation engagée depuis mars a contraint Élisabeth Borne à annoncer la création d’un groupe de travail pour étudier les possibilités de maintien de ce train et envisager des solutions alternatives de desserte du MIN de Rungis par le celui de Perpignan Saint-Charles.
Le premier s’est d’ailleurs tenu le 24 mai dernier, jour où étaient rassemblées 300 personnes à Perpignan et une centaine à Rungis.
Guillaume Pepy se répandait la même semaine sur tous les plateaux pour promettre des millions et des millions. Un communiqué même du groupe SNCF sur ses comptes trimestriels se vantant de la progression du CA d’ERMEWA, sa filiale gestionnaire d’un parc de 45 000 wagons, dont les 80 du train Perpignan Rungis. Sylvie Charles, Directrice du pôle Transport de Marchandise du groupe SNCF et ancienne directrice du FRET SNCF, est pourtant arrivée au ministère ce jour-là les poches vides.
Sur les wagons, outre la nécessaire recherche à développer par l’industrie ferroviaire nationale, des adaptations des containers réfrigérés existant sont possibles.
En attendant, la CGT réaffirme avec force qu’avec une maintenance adéquate et adaptée, la durée de vie des wagons pourrait être rallongée, à l’instar des voitures corail qui ont plus de 40 ans, comme les wagons réfrigérés du train primeur ! Un investissement bien moindre et permettant de maintenir, le temps d’une solution neuve, la liaison ferroviaire directe.
À titre de comparaison, une rame TGV neuve de nouvelle génération coute aujourd’hui 20 millions.
Le 3 juin dernier, veille de la grande manifestation nationale des cheminots qui a rassemblé 15 000 cheminots, nous nous sommes invités avec une quarantaine de cheminots parisiens et perpignanais pour transmettre à la direction du fret SNCF les plus de 20 000 pétitions recueillies exigeant le maintien du train et le retour du deuxième.
Le plus dramatique, c’est que face à nos arguments, nous ne trouvons pas de contradictions par la direction SNCF. Nos arguments, nos propositions, ont un écho plutôt favorable dans la population. Qui ne souhaite pas aujourd’hui avoir moins de camions sur les routes ? Encore faut-il démanteler les idées reçues, que ce soit sur la concurrence, sur les autoroutes ferroviaires etc.
Je prendrais un exemple très récent sur la concurrence dans le rail. Fret SNCF a remporté un marché entre Gardanne et Miramas, précédemment assuré par ECR, filiale de la DB. Mais comme le sillon avait été réservé par ECR, le marché, au final, n’a pas pu être assuré par le fret SNCF. Voilà l’absurdité de la concurrence dans un système guidé comme le rail. Mais il y en a d’autres, j’y reviendrai.
Une nouvelle fois, la SNCF pousse son projet d’autoroute ferroviaire Barcelone/Perpignan/Paris(Rungis) avec nombre de questions et d’objectifs contradictoires. En effet, quel avenir pour le site de Perpignan avec un projet qui vise en fait à développer le site de Barcelone en menaçant plusieurs milliers d’emplois sur le bassin d’emploi de Perpignan ?
Quel intérêt d’amener des camions dans le MIN alors qu’il est directement relié au rail, si ce n’est d’avoir un point de desserte pour alimenter l’Ile-de-France par camion au coeur d’un noeud autoroutier surchargé ?
Il faut démonter l’idée que l’autoroute ferroviaire, ce que le grand public appelle ferroutage, serait l’avenir du transport ferré de marchandises. C’est avant tout du transport de camion, pas du transport de marchandises.
Pour la CGT, si les autoroutes ferroviaires peuvent avoir de la pertinence sur certaines liaisons, notamment en franchissement de contraintes géographiques, en complément aussi de dessertes lourdes, l’alimentation du MIN avec cette technique n’est pas sérieuse en matière d’organisation de la production sur le plan industriel et économique ! Ce n’est d’ailleurs pas la demande des acteurs économiques locaux.
Pour ce qui est de la proposition d’une liaison entre Perpignan et le chantier multimodal de Valenton par FROIDCOMBI : outre l’incapacité du chantier de Valenton à pouvoir développer de nouveaux trafics, qui ne sont pas assurés, ERMEWA a assuré que les wagons frigorifiques ne seraient plus aptes à la circulation à 140 à partir décembre 2019. Annonce faite en décembre 2018 alors que le délai de livraison pour ce type de wagon est de 2 ans et demi. La seule solution serait de réduire la vitesse du train à 120 et d’augmenter le délai d’acheminement de 4h. Cette proposition n’est donc pas viable.
Pour la CGT, à partir de ces éléments, qui illustrent l’aberration de l’organisation du système ferroviaire national éclaté depuis la mauvaise réforme de 2014, c’est bien toute la stratégie du fret qui doit être revue, c’est pourquoi nous exigeons :
- Le maintien du train des primeurs et la remise en circulation du second train supprimé en 2016, l’investissement nécessaire à la rénovation et au remplacement à terme des wagons nécessaires au trafic ;
- Le respect des engagements issus du grenelle de l’environnement en déclarant ce train « d’utilité publique » ou « d’intérêt national » ;
- Un plan de développement pérenne du transport de marchandises par FRET SNCF au départ de Perpignan Saint-Charles ;
- Une démarche commerciale volontariste et ambitieuse permettant le développement du transport de marchandises par FRET SNCF en direction du MIN de Rungis et, au-delà, des MIN du pays en liaison avec les ports ;
- Cela passe nécessairement par la réouverture des chantiers multimodaux de Perpignan et Rungis.
Les perspectives de développement sont importantes et les techniques ferroviaires variées pour répondre aux besoins des chargeurs, des collectivités, de l’intérêt général. C’est pourquoi, nous demandons à participer à ce groupe de travail qui se réuni cet après-midi pour y porter notre analyse, nos propositions, au service de la réflexion collective pour un véritable report modal dans notre pays.
Nous le réaffirmons avec force, les experts du ferroviaire, c’est nous ! Notre place cet après-midi est à la table de discussion !
Car ce train illustre aussi, je le disais au début de mon intervention, ce qu’est la politique des transports dans ce pays et la stratégie du fret SNCF : un outil public sabordé depuis 2003, condamné en 2006 parce que M. De Rugy semble méconnaitre vu ses propos dans l’hémicycle il y a quelques jours : l’ouverture généralisée à la concurrence dans le fret ferroviaire.
Le pacte ferroviaire n’ouvre pas à la concurrence pour le fret. Le fret l’est depuis mars 2006. Et le bilan est catastrophique. De 55 GTK transportés en 2000, nous en sommes rendus à moins de 20GTK en 2018, alors que les besoins de transports augmentent, alors qu’une quinzaine d’entreprises ferroviaires privées sévissent sur le territoire national. De 14 % de part modal, on est en recul constant depuis pour atteindre 7 % aujourd’hui. 5 triages seulement en France, un parc wagons et un parc locomotives réduits drastiquement, des effectifs divisés par 3 en 10 ans.
La concurrence n’est pas la solution, elle est le problème, dont découle en plus la stratégie d’entreprise dont le train Perpignan-Rungis est l’illustration.
Elisabeth Borne doit aujourd’hui contraindre la SNCF à investir dans les wagons nécessaires pour assurer la liaison, la maintenir avant de la développer et attribuer pour cela le monopole d’exploitation entre les deux MIN.
D’autant qu’au regard des éléments chiffrés et transmis par différents acteurs, le train serait 3 fois moins cher que le camion sur cette liaison. Si les transporteurs ne veulent plus faire de train, le ministère doit contraindre la SNCF à assurer elle-même la démarche commerciale pour remplir les trains avec les acteurs volontaires. Et comme le train ne peut arriver dans chaque maison, le groupe SNCF, et notamment toute la logistique SNCF GEODIS, doit servir à assurer le transport de bout en bout en faisant du rail le maillon essentiel.
C’est la première étape. Et il faudra aller plus loin. D’autres pays, pourtant fervents défenseurs de la concurrence libre et non faussée dans le ferroviaire, s’en affranchissent, c’est le cas de l’Autriche qui subventionne directement le wagon isolé, c’est le cas de l’Allemagne qui a divisé par 2 le prix des sillons pour le FRET permettant à DB Cargo (l’équivalent de FRET SNCF en Allemagne) de dégager des moyens pour renouveler son parc wagon vieillissant.
C’est bien une question de choix politique ! Tout comme le financement tant des infrastructures que de l’exploitation.
Pour reprendre le chemin du développement pour le fret ferroviaire, il faut redonner à l’outil public qu’est la SNCF les moyens d’y parvenir en déclarant le wagon isolé d’intérêt général et viser une politique de volume irrigant tout le territoire. Il faut que la SNCF s’organise pour mutualiser les moyens de production et non les séparer. Développer le fret ferroviaire, c’est aussi développer l’industrie ferroviaire dans le pays, que ce soit pour les locomotives ou les wagons, mais c’est aussi pérenniser des lignes peu fréquentées, c’est aménager le territoire et aider au développement industriel, c’est aussi réhumaniser des gares.
Cher·e·s Collègues, Cher·e·s Ami·e·s, Cher·e·s Camarades,
On est toujours là et nous l’avons prouvé massivement le 4 juin dernier en manifestant contre le pacte ferroviaire voté il y a un an, contre ses effets pour les usagers, les cheminots.
Notre mobilisation se poursuit donc, s’ajoutant aux multiples initiatives et actions des cheminots dans tous les établissements, contre les déstructurations d’établissements, la désorganisation de la production, la remise en cause de nos droits, contre la répression et la violence sociale qui s’exercent dans l’entreprise. Elle se poursuit avec le rassemblement du 2 juillet prochain à Saint-Denis, pour nos salaires, et la construction d’une mobilisation d’ampleur pour le service public ferroviaire.
Le fret en est un pilier essentiel, c’est l’affaire de toutes et tous ! C’est pourquoi, au-delà de la mobilisation pour ce train, la CGT va réinvestir le sujet du fret ces prochaines semaines et prochains mois en répertoriant les MIN existants sur le territoire national, les potentiels de développement, la convergence avec les ports et en cela l’expertise menée sur le sujet par le CE Fret il y a quelques années est à réactualiser.
Pour le service public ferroviaire, efficace, économe et écologique, on est encore toujours là !
SECTEURS FEDERAUX CGT DES CHEMINOTS D’ILE-DE-FRANCE – URIF CGT – UIT CGT – UD CGT 94 – UL RUNGIS