L’ENFUMAGE CONTINUE !
Fret ferroviaire
Les dernières annonces du Premier ministre rappellent éperdument les trois principaux plans FRET précédents : « Véron » (2003), « Marembaud » (2008), « Nadal » (2009), qui ont organisé la casse des emplois, la perte de trafics intérieurs, la promotion des « autoroutes ferroviaires » …
Les ambitions gouvernementales vont probablement aboutir au même résultat : pas de relance !
L’exercice de communication est bien rodé, mais il ne trompe personne.
De nombreux responsables politiques ainsi que les dirigeants successifs de la SNCF ne veulent pas assumer publiquement l’échec de la libéralisation du transport de marchandises par fer.
En 2000, FRET SNCF transportait 17 % des marchandises (tous modes confondus), contre 9,5 % (toutes entreprises ferroviaires confondues), dont 5 % pour FRET SNCF aujourd’hui. Après avoir drastiquement affaibli en près de 20 ans l’entreprise publique et particulièrement FRET SNCF (au travers de multiples plans de restructuration), voilà que les patrons « vont au charbon » pour réclamer des subventions et les obtiennent pour financer leur projet « 4F ».
Ce qui était impossible hier devient tout naturel aujourd’hui !
Face à l’échec de la libéralisation dans toute l’Europe, l’Union Européenne (UE) a autorisé l’octroi de subventions publiques l’année dernière. Le Gouvernement prévoit donc des aides à hauteur de 150 millions d’euros.
Pour la petite histoire, avec 150 millions de subventions, le Fret public SNCF aurait été largement excédentaire en 2000, alors qu’il transportait 30 % de marchandises de plus que l’ensemble des opérateurs aujourd’hui et qu’il faisait vivre plusieurs milliers de salariés de plus !
Les subventions annoncées par le Premier ministre stabiliseraient les trafics existants et surtout permettront aux entreprises ferroviaires de renouer avec un équilibre financier, notamment par la ristourne sur les péages d’infrastructures. En plus de FRET SNCF, toutes les entreprises ferroviaires de transport de marchandises (à savoir les cinq filiales de droits privés du groupe SNCF ainsi que les 11 entreprises ferroviaires privées en activité) perdent toutes environ l’équivalent d’un tiers de leur chiffre d’affaire, comme quoi le Statut des cheminots n’a rien de déterminant dans le « coût ».
Autoroutes ferroviaires ?
Ce sont des corridors longues distances pour lesquelles l’infrastructure est fiabilisée (il n’y a pas de créations nouvelles, les sillons existent déjà). Avec cette mesure, ce sont en fait les transports transnationaux qui sont promus. Ce mode opérationnel permet d’extraire environ 120 000 semi-remorques par an de nos routes quand des dizaines de millions les parcourent chaque année !
Nous sommes loin d’un acte fort, déterminant pour répondre aux enjeux écologiques sur la durée.
C’est la concrétisation de la vision libérale de l’UE, encouragée depuis ces vingt dernières années : les marchandises arrivent par quelques points d’entrée (ports de Rotterdam, Anvers et éventuellement Barcelone) pour être ensuite distribuées dans l’espace du marché commun européen par les grandes infrastructures.
Analyses
Il n’y a pas de politique portuaire sérieuse en France, donc développer les autoroutes ferroviaires se fait au bénéfice des autres grands ports européens et encourage la longue distance, qui est contraire aux besoins environnementaux.
Plusieurs existent déjà, comme celles reliant le Luxembourg à l’Espagne ou Calais à l’Italie par exemple. Elles n’ont pas permis un report modal qui réponde aux exigences écologiques et aux besoins de l’intérêt général. Il faut donc s’occuper du transport intérieur et ne pas seulement concentrer l’offre de transport pour les exigences des grandes centrales ou les grandes industries.
Les autoroutes ferroviaires ne répondent qu’aux ambitions du trafic international qui représente une part minoritaire (environ 37 %) des marchandises transportées en France. Le report modal massif (passage de la route vers le rail) ne peut pas aboutir en accumulant les slogans politiques lancés en l’air qui écartent sciemment 63 % du trafic intérieur total.
Si une aide doit être apportée au fret ferroviaire pour obtenir un report modal massif, l’angle choisi par le Gouvernement reste de l’enfumage, car il ne s’attaque pas aux externalités (congestion routière, accidents, gaz à effet de serre, sécurité, etc.) du mode routier, qui reposent pour l’essentiel sur la collectivité en termes de coûts. Le caractère temporaire de la réduction du prix des péages est de plus conjoncturel alors que c’est bien de mesures structurelles dont le secteur a besoin.
Les subventions ne doivent pas servir les actionnaires des 16 entreprises ferroviaires privées opérant sur le territoire. Notre pays aspire à une politique des transports qui s’appuie sur les besoins (incluant la réduction des distances), qui permette de coordonner tous les acteurs… il faut développer et sécuriser l’entreprise publique nationale qu’est FRET SNCF !
Si besoin était, la séquence du confinement a amplement démontré ses atouts pour répondre aux besoins de la nation.
FRET SNCF dispose de l’expérience, des moyens humains et matériels nécessaires pour immédiatement répondre aux besoins des chargeurs et entreprises. Réussir la transition écologique se fera grâce à l’entreprise publique.
La fédération CGT des cheminots va proposer une série de mesures concrètes, détaillées et pertinentes pour relancer et développer le FRET ferroviaire SNCF.