Le conseil d’administration de la Caisse de prévoyance et de retraite (CPR) SNCF s’est réuni les 15 octobre et 16 décembre derniers dans un contexte conjugué de crise sanitaire, sociale et de remise en cause de notre Sécurité sociale par le duo gouvernement-patronat.
Une nouvelle « loi de financement de l’Insécurité sociale »
La loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS) a été promulguée le 14 décembre 2020.
Cette loi, dans la même veine que l’ensemble des lois régressives du moment, entérine la poursuite de la réduction des moyens, pourtant à l’origine de l’incapacité de notre système de santé à faire face à la crise tout au long des mois de mars et avril.
Avec l’achat des masques, la prise en charge des tests PCR et les arrêts de travail pour garde d’enfant pendant le confinement le coût de l’épidémie se chiffre pour l’heure à 15 milliards d’euros mis à la charge de la Sécurité sociale plutôt que de l’ensemble des contribuables.
La LFSS 2021 prévoit cependant :
- Le maintien des milliards d’euros de cadeaux au patronat, notamment les 91 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales qui s’ajoutent aux 20 milliards d’euros par an de fraude sociale des employeurs, complétés par les 100 milliards d’euros d’exonérations fiscales en faveur des entreprises et ménages aisés et plus de 100 milliards d’euros par an de fraude fiscale ;
- 4 milliards d’euros d’économies imposées à la Sécurité sociale, comme autant de fermetures de services hospitaliers, de suppressions de lits ou de remises en cause des droits des salariés ;
- Une contribution des assurés au travers des complémentaires santé à hauteur d’un milliard d’euros ;
- Une taxe de 18 euros à charge des malades, pour chaque passage aux urgences qui ne serait pas suivi d’une hospitalisation. Ce forfait devrait impacter 80 % des patients qui passent par les urgences. Compensant souvent les insuffisances de la médecine de ville, les urgences hospitalières étaient, jusqu’alors, la garantie d’être soigné quels que soient ses moyens. Cette disposition crée donc un nouvel obstacle à l’accès aux soins ;
- Le transfert sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES créée en 1996 et qui devait disparaître mais qui sera maintenue jusqu’en 2033), de 136 milliards d’euros de dette sociale. Cette dette, née des exonérations massives de cotisations sociales dont profite le patronat, sera donc financée par les ménages au travers de la CSG et la CRDS à la place de l’État et du patronat.
Extorsion des ressources du régime de prévoyance
Pour financer les cadeaux faits au patronat, la loi de financement de la Sécurité sociale prévoit la récupération par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des 176,6 millions d’euros de réserve du régime de prévoyance des cheminots.
Cette réserve sert notamment à faire l’avance de financement des pensions des retraités qui sont versées en début de mois (et donc parfois en amont des rentrées de cotisations).
Il est à craindre que cette ponction éhontée des réserves du régime serve à court terme d’alibi pour remettre en cause le versement à échoir, et non à terme échu, des pensions de retraite des cheminots.
Remise en cause du système de retraite français : les vautours aux aguets !
La crise sanitaire et sociale que traverse le pays n’amenuise pas les appétits des tenants du capital et de leurs porte-parole gouvernementaux.
Récemment, le ministre de l’Économie et des Finances se répandait dans les médias pour appeler à relancer la contre-réforme macronienne des retraites, une « priorité absolue pour rembourser la dette du Covid » sans laquelle « ce sont les retraites de nos enfants qui seront en péril ».
La ministre du Travail un temps plus réservée médiatiquement finit par abonder en ce sens, considérant cette « réforme » comme « nécessaire ».
Pour autant, le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), paru fin novembre, contredit clairement les allégations de ces deux serviteurs du patronat. En effet, le rapport envisage une stabilisation du poids des retraites dans le PIB dès la fin de la crise sanitaire de 2020, pour un retour à l’équilibre dès 2030 ou 2070 au plus tard selon les hypothèses retenues. Rappelons que les projections du COR s’appuient sur des paramètres et hypothèses déterminés par les administrations ou le gouvernement lui-même.
Le projet de remise en cause du système de retraite français poursuit l’objectif rétrograde d’obliger les salariés à travailler plus longtemps pour estomper la conscience du droit à la retraite, d’effacer le salariat et ses droits issus des luttes sociales et d’offrir la manne financière que constitue la Sécurité sociale, oeuvre collective de solidarité, aux appétits individualistes des institutions financières.
Cependant ce projet hautement nocif ne repose désormais sur aucune justification, aussi malhonnête puisse-t-elle être, que celle du déficit organisé par le tandem gouvernement-patronat.
Reconnaissance en maladie professionnelle des pathologies liées à la covid-19 : un décret flou et loin de satisfaire !
Depuis le début de l’épidémie du SARS-CoV-2, les salariés poursuivant leur activité, parmi lesquels les cheminots, sont exposés à la contamination, a fortiori lorsque les mesures sanitaires mises en oeuvre par l’employeur sont, comme le plus souvent, largement insuffisantes.
Le décret portant sur la reconnaissance de la COVID-19 en maladie professionnelle, annoncé médiatiquement dès le mois d’avril, n’a été publié que le 15 septembre et ce sans concertation préalable des organisations syndicales.
Pour la CGT ce décret n’est clairement pas à la hauteur de l’engagement professionnel de celles et ceux qui ont assuré, et assurent, leurs missions au péril de leur santé.
Beaucoup trop restrictif et source d’inégalités entre secteurs professionnels et entre catégories de salariés, le tableau de reconnaissance ne mentionne que les personnels soignants. De plus, il limite la reconnaissance aux formes les plus graves de pathologies pulmonaires.
Tous les autres salariés et les soignants ayant contracté le virus dans le cadre du travail, mais sous une forme moins grave, devront solliciter un comité spécifique de reconnaissance des maladies professionnelles.
La CGT a exigé du ministère de la Santé qu’il modifie le décret pour répondre aux besoins notamment :
- Sur le délai de prise en charge ;
- Sur les métiers concernés ;
- Sur la reconnaissance pour les salariés hors décret ;
- Sur la reconnaissance des cheminots qui ont oeuvré dans les gares et les trains, y compris sanitaires.
Pour la CGT, le gouvernement doit revoir en profondeur ce décret, élargir et clarifier les conditions de reconnaissance à l’ensemble du salariat.
Une caisse de branche qui ne semble convaincre que ceux qui s’y accrochent
Par courrier du 26 juin 2020, le secrétaire d’État aux transports, ex-rapporteur de la contre-réforme du ferroviaire de 2018, apportait la vision du gouvernement sur le devenir du régime spécial des cheminots auxquels les nouveaux embauchés ne sont plus affiliés à cause de la loi de 2018.
La mise en place d’une caisse de branche sans régime de branche est donc la suppression étalée dans le temps du régime spécial.
Le scénario du patronat et du gouvernement, ardemment soutenu par l’UNSA, scinde le régime spécial de prévoyance et de retraite des cheminots en deux. Pour les cheminots de la branche, il n’y aurait donc aucune unité dans les droits, dans leur financement ou dans leur interlocuteur.
Le gouvernement, avide de « normalisation » des régimes spéciaux, envisage de faire endosser à la CPR le rôle de caisse de branche, mais uniquement pour la partie « Assurance maladie ». Les cheminots de la branche, autres que les agents du cadre permanent, ne bénéficieraient cependant pas des prestations du régime spécial, mais de celles du régime général. Ils resteraient affiliés à l’Assurance maladie du régime général, mais changeraient de caisse.
En cas de transfert de personnel, les agents de la CPR auraient donc à charge d’expliquer au cheminot, pour quelles raisons il a au passage perdu l’ensemble de ses droits spécifiques.
Ce dont ont besoin les cheminots, ce sont des droits, pas d’un interlocuteur les informant de leur perte.
La caisse de branche, sans régime spécial de branche, est un danger inédit qui obère le devenir du régime. Ce n’est pas un pas vers le progrès, c’est la mise à mort du régime spécial de prévoyance et de retraite des cheminots.
La Sécurité sociale s’est construite en régimes gérés par des caisses, pas avec des caisses multi-régimes.
La Fédération CGT des cheminots porte une proposition progressiste : étendre le régime spécial à l’ensemble des cheminots de la branche et le faire gérer par la CPR.
La CGT fait le choix des droits pour les cheminots de toutes les entreprises. Ceux qui prônent une caisse de branche déconnectée du régime ont fait le choix de sacrifier les droits des cheminots pour préserver des intérêts électoraux au sein de la CPR.
Le débat n’est donc pas clos !
Régime spécial : État et direction font payer le déséquilibre démographique aux salariés !
Alors que les compensations et contributions de l’État avaient pour fondement de compenser les déséquilibres démographiques liées aux politiques de repli de l’emploi menées par le patronat à la tête de l’entreprise, il apparaît clairement que ce sont aujourd’hui les salariés qui paient la facture de cette orientation politique.
Les pensions des cheminots retraités sont sous-revalorisées depuis plusieurs années, les cotisations sociales retraites prélevées sur le salaire net des cheminots augmentent régulièrement, dernièrement encore de plus de 1 %, alors que le patronat est exonéré d’une partie de plus en plus importante du prix du travail.
Suite à la loi de 2018 et la fin des recrutements au Statut, la loi impose à l’AGIRC-ARRCO de compenser au régime spécial des cheminots le manque à gagner en termes de cotisations, à hauteur d’environ 12 millions d’euros par an.
Cette compensation imposée directement aux salariés du régime général consiste de manière inique à imposer à un régime de verser, en lieu et place du casseur politique, des prestations sans en recevoir le financement.
L’ensemble de ces mesures sont déduites des compensations et contributions de l’État au régime spécial.
Au travers de ces mesures, ce sont donc les salariés, cheminots actifs du régime spécial, cheminots retraités du régime spécial, ainsi que les salariés du régime général, cheminots ou non, qui financent désormais, par leur travail, le déséquilibre démographique du régime spécial, aggravé par sa fermeture et sa non-extension à la branche.
Vers une nécessaire revalorisation des pensions ?
Parmi les points à l’ordre du jour figuraient le débat annuel sur l’évolution des pensions et le vote d’une délibération.
Depuis trois ans déjà, les administrateurs CGT sont à l’initiative de la rédaction de cette délibération conjointe avec le président du CA, de manière à permettre d’en recueillir une approbation majoritaire.
Les interventions ont une fois de plus fait état de la perte de pouvoir d’achat des pensionnés sur les seules années 2008-2009-2010 : les pensionnés ont perdu l’équivalant de deux mois de pensions. Les basses pensions demeurent une problématique lourde qui affecte principalement les femmes.
La CGT revendique une revalorisation des pensions directes et de reversion ainsi qu’un retour à l’indexation sur les salaires avec une pension minimale au niveau du SMIC à 1 800 euros brut mensuel.
Les administrateurs CGT ont largement évoqué les montants exorbitants des dividendes versés par les entreprises du CAC 40 à leurs actionnaires : 49,2 milliards d’euros pour 2019 !
La délibération portant sur la revalorisation des pensions a été votée à l’unanimité et sera transmise au gouvernement qui doit recevoir une délégation des administrateurs.
L’activité partielle : une manne financière pour les grandes entreprises et un poison pour la Sécurité sociale
L’activité partielle remet en cause la rémunération des cheminots, leur droit au maintien de cette rémunération, leurs conditions de vie et de travail, les rendant dans de nombreux cas corvéables à merci, voire probablement complices inconscients d’une fraude de la part de l’entreprise.
L’activité partielle (notion incongrue quand on parle de service public) menace la protection sociale des cheminots, notamment son financement. Rien que pour la période de mars à mai 2020, l’activité partielle représente 85 millions d’euros de cotisations sociales au régime spécial qui ne seront pas versées par la SNCF (qui perçoit des aides de l’État).
L’activité partielle, que le patronat et certaines organisations syndicales voudraient pérenniser pour l’imposer aux cheminots, est une bombe à retardement pour la retraite des cheminots affiliés au régime général. En effet, les « indemnités » versées en période d’activité partielle ne sont pas considérées comme salaire pour la détermination du salaire des 25 meilleures années, ce qui en abaissera fortement la moyenne et donc la pension.
Exemple pour un salarié au SMIC subissant 2 mois de chômage partiel avec 50 % de taux d’activité.
- Salaire annuel enregistré au régime général si absence de chômage partiel : 1539,42 x 12 = 18 588 €
- Salaire annuel enregistré au régime général avec 2 mois de chômage partiel : 1539,42 x 10 + 1539,42*0,5 x 2 = 16 933,62 €
Soit une perte de salaire annuel enregistré au régime général s’élevant à 1 654,38 € !
L’activité partielle ne protège pas, elle précarise !
AVEC LA CGT, LUTTER C’EST REFUSER LES RECULS SOCIAUX !