Un paquet EXPLOSIF
La récente révision du règlement des OSP (1) en décembre dernier a marqué le franchissement vers une libéralisation totale du rail.
Depuis 25 ans, la législation européenne a été marquée par des étapes successives de libéralisation dont le ferroviaire n’a pas été épargné. Plusieurs ensembles de règlements et directives, appelés paquets ferroviaires, ont permis d’installer progressivement les conditions de l’ouverture à la concurrence dans ce domaine. Le quatrième paquet ferroviaire marque l’aboutissement de ce processus. L’objectif de ce quatrième paquet est la libéralisation totale des transports de voyageurs par rail en Europe. Son application nécessitait l’adoption par le Parlement de ses volets technique et politique. Le pilier technique renforce les pouvoirs de l’Agence ferroviaire européenne (ERA) et harmonise les procédures d’autorisation des entreprises ferroviaires et des matériels roulants. Il a été adopté définitivement au Parlement européen (PE) le 28 avril 2016. Le pilier politique traite quant à lui de l’ouverture à la concurrence et de la gouvernance des chemins de fer. Il vise à entériner l’ouverture à la concurrence dans les transports régionaux et nationaux (TER, TET) avec la révision du règlement OSP 1370/2007 qui, jusqu’alors, permettait l’attribution directe et la conservation du monopole de la SNCF inscrite dans la législation française. Il a été adopté au Parlement européen le 14 décembre 2016.
Les enjeux de l’OSP
La modification du règlement OSP sur les transports publics de voyageurs définit maintenant l’appel d’offres comme étant la règle et l’attribution directe comme étant l’exception. Avec son adoption, les députés ont ouvert la voie à une libéralisation accrue du transport public ferroviaire de voyageurs sans assurer une meilleure protection des travailleurs des transports publics. Par conséquent, la qualité des services publics ferroviaires se trouve directement menacée. Si cette nouvelle phase de libéralisation a été votée par la majorité de droite du Parlement, il faut savoir que le Groupe socialistes et démocrates y est également favorable. En effet, celui-ci a rejeté la modification du règlement OSP, uniquement parce que le transfert des personnels n’y était pas rendu obligatoire. Point positif, les mobilisations des affiliés d’ETF(2) ont permis que la directive gouvernance, dans sa version finalisée, laisse le choix aux États membres d’organiser leurs systèmes ferroviaires nationaux, y compris autour d’une entreprise intégrée, sous réserve d’isoler les fonctions essentielles (attribution et tarification des sillons). C’est également ce que propose la CGT dans son projet « La voie du service public SNCF ».
Le combat continue
Malgré cet aspect, l’adoption du quatrième paquet ferroviaire marque l’aboutissement de la libéralisation totale du chemin de fer en Europe. Cela ne sonne pas pour autant la fin de la bataille pour un véritable service public ferroviaire. La CGT continuera à mobiliser les cheminots et usagers, pour peser sur les orientations politiques, afin que la SNCF redevienne un véritable service public qui réponde aux besoins des populations et des territoires, dans une complémentarité des modes de transport et sans mise en concurrence des salariés. C’est tout l’enjeu des mobilisations que la CGT va engager ces prochaines semaines.
Sylvain Esnault, secrétaire fédéral.
1- OSP : obligation de service public.
2- ETF : Fédération européenne des travailleurs des transports.
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En bref
Rappels historiques
La mobilisation contre le quatrième paquet ferroviaire
9 octobre 2013 : journée d’action dans chaque État. 25 février 2014 : rassemblement devant le Parlement européen à Strasbourg. 8 octobre 2014 : rassemblement à Luxembourg pendant la réunion des ministres du Transport. 8 octobre 2015 : rassemblement à Luxembourg pendant la réunion des ministres du Transport. 13 décembre 2016 : rassemblement à Strasbourg lors du vote du Parlement en 2e lecture du pilier politique.
Les étapes de la libéralisation du ferroviaire en Europe
1991-1995
Premier paquet ferroviaire qui introduit la séparation comptable entre les gestionnaires d’infrastructures et les entreprises ferroviaires (directive 91/440).
1998-2001
Second paquet ferroviaire. Installation de l’Agence ferroviaire européenne (ERA) et nouvelle extension des droits d’accès avec la libéralisation totale du fret.
2004-2007
Troisième paquet ferroviaire. Libéralisation des services internationaux de voyageurs avec la possibilité de cabotage. Révision du premier paquet qui impose un cadre réglementaire plus strict de concurrence avec l’objectif de détruire les « monopoles publics » en les fragmentant encore plus et en dotant la Commission européenne des attributions nécessaires pour l’organisation du secteur ferroviaire, sans faire intervenir le législateur.
2013-2016
Quatrième paquet ferroviaire.