Réforme du système ferroviaire
Après plus d’un an et demi de discussions avec le gouvernement, appuyées par deux grèves unitaires de 24 h en 2013 ainsi qu’une pour exiger une autre réforme du système ferroviaire, le gouvernement et la direction de la SNCF ont fait le choix de ne pas répondre aux légitimes revendications des cheminots.
C’est dans ce cadre, que les Fédérations CGT et SUD-Rail ont appelé l’ensemble des cheminots à cesser le travail dans le cadre d’une grève reconductible à compter du mardi 10 juin 2014.
Oui, les Cheminot-e-s ont eu raison d’agir massivement par la grève pour une autre réforme du système ferroviaire.
Le positionnement de certaines organisations syndicales et singulièrement de leurs dirigeants nationaux (notamment ceux de la CFDT), a été et restera comme un acte de défiance à l’égard de celles et ceux qui ont fait le choix de se battre contre la casse de la SNCF.
Ils ont fait le choix d’opposer les cheminots entre eux en alimentant une campagne médiatique détestable, devenant ainsi la courroie de transmission officielle de la direction de l’entreprise et du secrétaire d’État aux Transports.
« Le pacte d’irresponsabilité » signé par la CFDT et l’UNSA avec le gouvernement n’aura rien changé au fond de la réforme dont la philosophie globale reste l’éclatement de l’entreprise publique SNCF afin de la faire entrer à marche forcée dans l’Europe de la finance, guidée par les thèses libérales pour favoriser l’ouverture à la concurrence.
De son côté, la direction de l’entreprise, par la voix de son président, a atteint des sommets d’irresponsabilité et d’irrespect vis-à-vis des cheminots en jugeant les revendications contenues dans le préavis national comme étant « hors sujet ».
La CGT Cheminots continue de dénoncer la stratégie de la direction qui consiste bien à accélérer le dynamitage de la SNCF et à faire payer le financement de la réforme aux usagers et aux cheminots, avec, comme premier acte significatif, la suppression de 2 453 emplois inscrits au budget 2014.
Cette action de grève majeure s’inscrit donc dans le futur et prépare d’ores et déjà les luttes à venir, tant dans qu’en dehors de l’entreprise.
Au cours des débats en séance publique de l’Assemblée Nationale, 155 amendements ont été adoptés. Si certains apportent quelques bougés, d’autres durcissent clairement le texte vers un tournant extrêmement nocif.
la Fédération CGT des cheminots exige : une réelle réunification du système ferroviaire public par une unicité économique, sociale et technique autour d’une entreprise publique intégrée : la SNCF.
Imaginant rassurer les cheminots en grève, le gouvernement a fait passer un amendement qui donne aux trois Épic un caractère indissociable et solidaire (Art L. 2101-1). Ce point de ciment entre les trois EPIC est à mettre au crédit de l’action, mais il reste très fragile ainsi que très éloigné de l’intégration et de l’unicité réclamées.
Par ailleurs, il faut rétablir la vérité sur la question de l’employeur unique. L’Épic de tête est considéré comme employeur de tous les cheminots seulement en matière d’assurance chômage et 1% logement (Art L. 2102-1-1).
Si certains sujets RH y seront partagés, si c’est à ce niveau que sera mesurée la représentativité nationale et négociés les accords sociaux sur le périmètre du groupe, les cheminots seront plus fortement divisés par le maintien de 3 employeurs distincts.
D’autre part, des amendements prévoient la création, à titre dérogatoire au droit commun, d’un Comité Central de Groupe (CCG) (Art L. 2101-5). Ce CCG aura essentiellement un rôle sur les activités sociales. Sur les droits économiques, seules les questions communes aux 2 Épic Réseau et Mobilité seront traitées, le reste serait renvoyé vers des Comités Consultatifs situés à la tête de ces Épic.
Le texte reste donc très restrictif en termes d’intégration sur les dossiers économiques, pourtant primordiaux pour garantir une réelle cohésion d’ensemble.
Le cloisonnement étanche de SNCF Réseau a été à chaque fois un peu plus renforcé, au nom de l’impartialité vis-à-vis des entreprises concurrentes (Art. L. 2102-2- L-2111-16). De plus, le groupe public ferroviaire est placé sous la surveillance de l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires (Art L.2102-3 Art. L2111- 10) qui émettra des avis conformes sur des thèmes fondamentaux comme la tarification des sillons et l’accès aux facilités essentielles dues aux autres entreprises ferroviaires (accés aux infrastructures, gares de voyageurs, terminaux de marchandises…).
Les amendements autour du « FRET, service d’intérêt général » pour relancer le report modal de la route vers le rail ont tous été rejetés. C’est encore une démonstration de l’absence de volonté d’aller dans le sens du service public et de son développement.
la Fédération CGT des cheminots exige : que la dette du système soit placée dans une structure de défaisance pour ne plus peser sur les investissements nécessaires à la modernisation du réseau et au renouvellement du matériel qui doivent demeurer un bien public national.
Les questions primordiales de la dette et du financementne sont pas réglées. Malgré tout, la mobilisation a contraint le gouvernement à aborder ces sujets majeurs. La questiondes 10,8 milliards d’€ reconnus comme dette d’État par le système statistique européen a enfin été mise au coeur des débats parlementaires. Toutefois, les amendements adoptés renvoient à des promesses de rapport d’ici deux ans sur la dette et une éventuelle ressource nouvelle pour financer la régénération du réseau.
Alors qu’un système non financé est un système menacé, la seule visée de la loi est de réduire les investissements nécessaires, ce qui se traduirait par moins de trains, moins de guichets, moins de lignes, moins de cheminots.
Au final, c’est la qualité de service public pour les usagers (voyageurs et chargeurs) et les conditions de vie et de travail des cheminots qui seraient la variable d’ajustement d’une réforme sans financement adapté.
Pour exemple, l’article L.2111-10 acte que l’ensemble des travaux de maintenance ou de développement du réseau devront être amortis sur une période de 10 ans. En clair, tous les travaux seront donc assujettis à une garantie financière (règle d’or) contrôlée par l’ARAF (Autorité de régulation des activités ferroviaires). Le système ferroviaire risque donc de s’engager dans l’impasse de l’austérité.
La Fédération CGT des cheminots exige : des conditions sociales de vie et de travail de haut niveau pour les cheminots.
La garantie de l’embauche au statut n’était pas affirmée dans le texte initial.
Les amendements portant obligation de recruter au statut pour les candidats qui répondent aux critères ont été rejetés.
Comme conclu dans le pacte (CFDT, UNSA, Ministère), il a été préféré un amendement qui renvoie à la négociation entre la direction et les organisations syndicales sur les conditions du recrutement au cadre permanent (Art L. 2101-2). La stratégie actuelle de recrutement initiée par la Direction SNCF n’est pas remise en question.
Un amendement prévoit la possibilité à tout salarié (du groupe public) de pourvoir à un emploi dans un des 3 Épic ou dans les filiales (Art L. 2101-2).
À l’heure où la direction de la SNCF, par sa politique de branche, filialise à tour de bras, cette modification lui permettra d’accélérer le démantèlement de la SNCF au profit des filiales.
Voilà encore une attaque sournoise contre notre statut.
Un amendement demandait que le RH0077 soit la base du décret socle. Celui-ci a été rejeté !
Un amendement positif a été retenu : celui précisant que le décret socle prendra en compte la spécificité des métiers et que les contraintes liées au transport ferroviaire seront compensées par des repos.
À noter que le texte ne fait pas de différence entre la SNCF et les autres entreprises ferroviaires, ce qui est une remise en cause du rôle de la SNCF en matière de service public dû à la Nation. Cette réforme entraînera la renégociation de l’ensemble des accords. S’il n’y a pas de négociations conclues dans les 18 mois avec la direction, ce sont les anciens accords de la SNCF qui s’appliqueront à l’ensemble des cheminots du groupe public (Article 12 du projet de loi). Ceci constitue un des rares amendements qui garantit le maintien de certains droits pour les agents de la SNCF. Cependant, la direction peut aussi décider de dénoncer les accords existants via une procédure réglementaire pour contraindre à une renégociation.
Un article prévoit, dans un délai de 2 ans, la remise d’un rapport du gouvernement afin de prévoir l’impact et les modalités du transfert des gares vers SNCF Réseau ou aux Régions (Article 10-V du projet de loi).
De même, il est prévu de transférer à SNCF Réseau les terminaux de marchandises. Un accord sera aussi conclu entre les 2 Épic pour déterminer un périmètre plus large d’installations, autre que les gares « voyageurs ».
Un amendement positif a exclu de ce périmètre les Centres d’Entretien.
Des amendements ouvrent la possibilité d’une gestion privée de certaines petites lignes Voyageurs ou Fret (Art. L. 2111-9). Les régions pourront également exploiter des lignes définies comme ayant un intérêt régional (Art. L. 2112-1-1).
Par ailleurs, un amendement introduit la liberté tarifaire des TER (Article 5 bis du projet de loi). D’une région à l’autre, le tarif sera différent.
Nous pouvons présager que les usagers seront confrontés à de fortes hausses tarifaires ou à l’abandon du rail.
Pour la CGT, le gouvernement signe, par cette loi, la fin de la solidarité nationale et de l’égalité de traitement des citoyens.
Un amendement permet le transfert de biens immobiliers qui peuvent être cédés aux autorités organisatrices du transport régional (Art. L.2141-15-1). Cela peut donc inclure les technicentres TER et la propriété des matériels roulants en les menant à la privatisation. (Art. L.2121-4-1).
Cette loi fait passer les TER d’un service public national décentralisé à une régionalisation des transports ferrés dans le cadre de Délégations de Service Public.
Par ces amendements, les parlementaires déstructurent le réseau national et organisent l’ouverture à la concurrence du trafic TER et Fret de proximité.
L’action des cheminots a permis une prise de conscience nationale. L’avenir de la SNCF se jouait par cette loi, à travers une réforme visant à libéraliser le rail français et à accentuer le désengagement de l’État sur l’aménagement ferroviaire du territoire.
Cette grève de 10 jours a contraint le gouvernement à concéder quelques évolutions, toutefois insuffisantes. Il est resté arc-bouté sur son objectif initial visant à l’éclatement de la SNCF, en s’appuyant sur la signature d’un pacte sans aucune valeur juridique.
Cette action de grève était juste et utile. Une unité syndicale plus large comme celle bâtie autour de la plateforme unitaire aurait permis d’obtenir une renégociation du projet de loi. Restent à venir les déclinaisons de ce texte, sous forme de décrets d’application, d’accords d’entreprise et d’une convention collective nationale de branche comprenant le volet réglementation sur le temps de travail applicable à tous les cheminots. La CGT salue l’engagement des cheminots dans ce combat. Restons mobilisés car une bataille s’achève, mais le combat ne fait que débuter.
Arnaud EYMERY, Directeur du Cabinet DEGEST, revient sur les principaux résultats de l'étude réalisée sur cette réforme.
Manifestation - 29 janvier 2015 à Paris
Nancy du 11 au 20 juin 2014
Saint-Lazare - 18 juin 2014
Le 17 juin 2014 devant les Invalides
Devant l'assemblée nationale le 17 juin 2014
Distribution au péage de Mantes le 16 juin 2014
Nantes le 12 juin 2014
Le 12 juin 2014 devant le ministère
Saint-Nazaire le 11 juin 2014
Lyon - juin 2014