LA COUR DES COMPTES ENQUÊTE SUR LA SNCF
La CGT a été sollicitée pour répondre aux questions de la Cour des Comptes dans le cadre d’une enquête sur la politique RH de la SNCF. Nous avons donc décidé de livrer aux cheminots la teneur des échanges.
Ce contrôle a été initié en juin 2018 (juste après le vote de la réforme ferroviaire).
Il concerne 4 axes :
▪ L’emploi, l’externalisation, la polyvalence, la productivité, l’organisation du temps de travail issus de l’accord de 2016… ;
▪ La masse salariale, le Statut (les augmentations automatiques), les EVS… ;
▪ Le dialogue social (les instances, les conflits, les DII…) ;
▪ La politique sociale (sécurité, formation, action sociale, logement, médecine de soins…).
Un pré-rapport sera remis en février au Gouvernement et à la Direction SNCF pour qu’ils formulent leurs critiques. Le rapport définitif sera remis au Parlement en juin. Ce sont ensuite les pouvoirs publics qui décideront si le rapport est publié ou s’il reste secret.
La CGT a débuté la rencontre en critiquant le caractère très politique des questions et leur éloignement d’une logique de contrôle de gestion à laquelle la Cour devrait se limiter. Nous avons dénoncé des rapports qui préparent en général le terrain à des attaques sur les droits des cheminots… Celui-ci vise-t-il à faire pression sur les négociations de branche et sur le pacte d’entreprise ? La Cour assure que non.
Nous conservons un doute.
Effectifs
La CGT a fait état d’un sous-effectif chronique dans presque tous les métiers.
Nous avons dénoncé l’externalisation des tâches dont le surcoût est reconnu par l’entreprise et qui a un impact négatif sur la qualité du travail et la sécurité.
Nous avons critiqué la notion de « productivité » qui se traduit en réalité par une suppression d’activité (fermetures de guichets, augmentation des pas de maintenance, suppressions du contrôle à bord, des autorisations de départ des trains, etc…).
Nous avons alerté sur le risque de délocalisation si la logique d’externalisation est poussée au bout (par exemple, la Direction évoque l’Inde pour des plates-formes de gestion comptabilité et paye).
La Cour s’est interrogée sur le futur impact des suppressions d’emplois (actuellement 70 % des départs sont remplacés par des recrutements, ce chiffre devrait tomber à 20 % après 2020 !!!). La Direction n’a pour l’instant pas communiqué sur une telle purge !
Organisation du temps de travail
La Cour s’interroge sur l’écart entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise de 2016 qui pourrait engendrer un différentiel de compétitivité entre entreprises publiques et privées.
La CGT a dénoncé le traitement « économique » de ce sujet. Selon une étude du cabinet DEGEST de 2018, l’espérance de vie des cheminots est inférieure à celle de la moyenne des salariés français. C’est le résultat de métiers difficiles. L’encadrement du temps de travail, les repos, les taquets, sont là pour limiter les effets néfastes du travail de nuit, des horaires décalés ou atypiques, de la charge mentale, etc…
Donc tout ce qui accroît les cadences et l’intensité du travail est mauvais. Dès lors, la CGT considère qu’on ne peut pas traiter les conditions de travail comme une variable d’ajustement des contraintes budgétaires de chaque activité. L’Etat n’a pas pris ses responsabilités avec un décret socle de très bas niveau. Le patronat, au travers de l’accord de branche a cherché à limiter le plus possible les contraintes sur les entreprises privées. L’objectif n’était pas de garantir la sécurité des circulations et la santé des cheminots mais plutôt d’assurer la viabilité de la concurrence. L’UTP est toujours sur cette ligne aujourd’hui dans la négociation du volet « classification des métiers ». Contrairement à la logique de la Cour, la CGT a donc affirmé que les conditions sociales devaient être harmonisées par le haut.
Par ailleurs, la CGT a dénoncé l’accord forfait jours, auquel la Cour ne semble pas s’intéresser. Pourtant 2 rapports ont fait état, à cette époque, d’une situation sanitaire de l’encadrement très préoccupante, notamment par une surcharge de travail. Aucune mesure n’a été prise et l’accord a uniquement servi à camoufler les dérives. La CGT a adressé un courrier au DRH national début 2019 pour dénoncer cette situation.
Statut
La Cour nous a longuement interrogés sur les procédures de promotion, leur coût et leur supposée rigidité.
La CGT a montré que les notations actuelles laissent à la Direction une très (trop !) grande latitude. L’intérêt du Statut et des commissions est surtout de fixer une quantité de promotions annuelles, et d’imposer une certaine transparence sur les choix et les critères qui sont utilisés pour les attribuer aux agents.
Ce que veut le patronat, c’est le retour à une opacité et un arbitraire total pour réduire les promotions et s’en servir d’outil de pression sur les cheminots, ce qui est injuste.
La CGT a également démontré que le « surcoût » du Statut n’existe pas.
Enfin, nous avons abordé les sujets de l’emploi précaire, des difficultés de recrutements, des EVS, du dialogue social, du fonctionnement des instances, de la sécurité du personnel, de la formation professionnelle, des alternants, de l’action sociale, de la médecine, du logement…
L’entretien a duré 4h30.
La CGT a conclu en demandant à la Cour si elle s’intéressait à d’autres sujets, notamment :
• L’impact de la transformation de la SNCF en Société Anonyme sur les taux d’intérêts avec le risque que l’argent public soit ponctionné de centaines de millions d’euros par les institutions financières… La Cour n’a pas d’étude prévu sur ce sujet.
• La gabegie OUIBUS pour laquelle la SNCF a englouti 265 millions d’euros… La Cour a produit un rapport mais les pouvoirs publics ont décidé qu’il ne serait pas publié.
Nous pouvons nous attendre à une nouvelle offensive contre nos droits sociaux et nos conditions de travail dans les prochains mois.
Nous allons devoir exprimer plus fortement notre RAS-LE-BOL d’être pointés du doigt en permanence par les autorités !
Plus que jamais, il y a urgence à ce que les cheminots rejoignent la CGT* pour que nous soyons mieux armés et mieux organisés face aux attaques !
* https://www.cheminotcgt.fr/adherer/