CONFÉRENCE DE PRESSE CGT : NON AU CDG EXPRESS
Conférence par F. Le Merrer
Par Frédéric LE MERRER
Secrétaire Général de l’UIT
Madame, Monsieur,
La CGT, et notamment ses organisations à l’initiative de cette conférence, s’opposent depuis de nombreuses années à ce projet aussi inutile que néfaste, les urgences étant ailleurs.
Il est bon de rappeler que ce projet, déjà très ancien puisqu’il a commencé à être évoqué en 1998, et devait voir le jour en 2014, avait été confié à VINCI qui a jeté l’éponge en 2011, considérant que cette future liaison ne serait jamais rentable.
Remise au goût du jour par le précédent Gouvernement, ce projet de liaison sera intégré à la « loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » dite « loi Macron », une loi fourre-tout de 308 articles du nom du ministre de l’économie de l’époque. Loi qui aura fait l’objet de l’application du 49-3. Ce qui a permis au Gouvernement de publier une ordonnance le 19 février 2016 autorisant le recours à une procédure d’extrême urgence pour la prise de possession des terrains nécessaires à la réalisation de cette liaison ferroviaire.
Ce rappel pour bien comprendre ce qui se passe aujourd’hui, la violence avec laquelle le Gouvernement avance à marche forcée sur ce dossier, en plein « débat national » et alors que l’opposition à ce projet grandit, tant parmi la population et les usagers, les élus politiques de tous bords, les associations et chez les salariés des entreprises concernées par ce dossier.
La CGT est à l’initiative avec les salariés pour s’y opposer et c’est aussi le sens de son engagement au sein de l’association « NON AU CDG EXPRESS ».
Car cet acharnement du Gouvernement à réaliser ce projet est aussi à mettre en lien avec sa volonté de privatiser Aéroports de Paris (ADP) à laquelle, la CGT est résolument opposée. Nous sommes dans une opération financière au service d’intérêts privés, quand on sait que la société Vinci (et oui, encore elle) est sur les rangs pour s’accaparer ADP (une société qui bénéficie déjà de larges rentes des autoroutes, des lignes à grande vitesse…) pour lui offrir une ligne dédiée à son business !
Car avant d’imaginer une liaison qui relie l’aéroport CDG à Paris, il est nécessaire de répondre aux attentes des usagers qui s’impatientent et qui souffrent en raison de l’absence d’investissement réalisé ces 30 dernières années et de la hausse de fréquentation des trains pour l’amélioration de leurs conditions de transports du quotidien.
Par effet de ricochet, les salariés qui réalisent des prouesses pour tenter de répondre aux enjeux de service public de transports quotidiennement, dans des conditions souvent difficiles, subissent de plein fouet les retards d’investissements dans l’infrastructure ferroviaire et dans la modernisation des matériels banlieues. Ils subissent également les incessantes restructurations des organisations des activités et des collectifs de travail, qui fragilisent les personnels et dégradent les services que sont en droit d’attendre les usagers.
Il en est ainsi des présences humaines dans les gares et les trains, garant de la régularité en cas de problèmes et d’incivilités, mais aussi indispensables pour délivrer les titres de transports, notamment pour ceux qui ne sont pas porteurs du Pass Navigo.
Par ailleurs, les politiques conduites par les directions d’entreprises de la SNCF, de la RATP consistent à généraliser les externalisations pour réaliser les opérations de la maintenance de la voie et des caténaires, fragilisant ainsi la qualité des opérations.
Concernant la maintenance du matériel, le parc des rames banlieue disponibles pour la réalisation des services quotidiens des lignes, est insuffisant. Le moindre imprévu, conjugué à un manque d’emploi à la maintenance, fragilise, contrairement aux idées reçues, la robustesse de la production.
Malgré les promesses du Gouvernement à propos des impacts du CDG Express sur la ligne RER B, des lignes P et K du Transilien, dans sa phase travaux ou dans sa phase opérationnelle, notre expertise syndicale, trop souvent mise de côté, confirme que la souplesse de production ne sera absolument pas permise.
Faut-il rappeler que le CDG Express circulera majoritairement sur les lignes K, qu’utilisent également le TER Picardie, sans oublier le RER B qui utilisent aussi ces voies en situation perturbées (ce qui est assez fréquent) mais également des trains de marchandises essentiels à développer, avec une réutilisation massive du triage du Bourget, et tout cela dans un contexte d’urgence environnementale pour combattre les pollutions, le réchauffement climatique et les congestions des routes. La réalisation du CDG Express priverait les capacités de développement des trafics du Fret. Un non-sens économique et environnemental. Rappelons qu’en Ile-de-France, la part modale du Fret Ferroviaire est inférieure à la moyenne nationale avec seulement 3 % de parts modales.
La CGT a des propositions qui répondent aux objectifs de transition écologique, dans l’intérêt général et la réponse aux besoins du plus grand nombre. Est-il utile de rappeler que l’une des priorités des franciliens est l’amélioration des transports du quotidien.
Que vont penser les usagers des lignes B, K et P qui vont subir la double peine de nombreuses interruptions de service durant les prochaines années pour la réalisation d’un train pour lequel ils n’auront pas accès avec leur Pass Navigo ou un billet au tarif Ile-de-France Mobilités. Le prix envisagé du titre de transport CDG Express pour un seul trajet est estimé entre 24 ET 29 €.
Que vont penser les usagers de la ligne C qui vont devoir, à nouveau, patienter pour la modernisation des postes de régulation qui assurent la circulation des trains sur le noeud ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, tristement connu pour sa catastrophe ferroviaire.
Que vont penser les Personnes à Mobilités Réduites (PMR) qui vont voir les travaux d’accessibilités aux transports collectifs retardés pour donner la priorité au CDG EXPRESS.
C’est véritablement un manque de respect pour tous ces usagers qui souffrent de leurs conditions de transports pour se rendre chaque jour de leur domicile à leur travail, à leur école tout simplement se déplacer pour leur convenance personnelle et ainsi éviter de prendre la voiture.
Oui, les usagers/citoyens ne comprennent pas et n’acceptent pas que des travaux prévus pour améliorer leurs transports du quotidien soient arrêtés ou retardés faute de moyens au profit d’un train qui ne répond pas à l’intérêt général et qui va engloutir 2,5 milliards d’euros d’argent public !
D’ailleurs, un rapport de l’ex-STIF de juin 2016 ne parle-t-il pas d’une perte équivalente à 1,5 milliard d’euros liée à la baisse de ponctualité du RER B à cause du CDG Express ?
Le dernier avis d’IDF-Mobilités confirme ces craintes et pour cause : « Compte tenu de l’ampleur du programme de l’ensemble des travaux sur l’axe Nord du RER B, le risque est grand que les impacts ne se limitent pas aux périodes de moindre trafic (week-ends, été, soirées…) mais touchent également les jours de semaine de plein trafic et induisent par ailleurs sur certaines périodes des limitations temporaires de vitesse en semaine, entraînant une réduction de la fréquence des trains ».
Craintes qui se confirment à la lecture d’un courrier de réponses du Préfet CADOT aux conseillers « Front de gauche », daté du 01 mars 2019, qui précise notamment : « Cependant, la totalité des travaux à conduire, à partir de 2021 et jusqu’en 2024, va nécessiter des coupures de circulation importantes sur cet axe ferroviaire. L’analyse de ces contraintes sera finalisée au début du mois d’avril prochain ».
Et pourtant, des travaux sont engagés ! Un véritable scandale démontrant le peu d’intérêt que porte l’Etat aux citoyens et à leurs représentants.
Que dire de l’argument fallacieux qui consiste à évoquer l’attractivité économique et touristique pour imposer le CDG Express. Paris reste la destination touristique première dans le monde en 2018, comme c’est le cas depuis de nombreuses années.
A ce sujet, nous voulons réaffirmer ici avec force, que contrairement à ce qu’affirment les partisans du CDG EXPRESS, l’organisation des JO à Paris en 2024 ne pâtira pas de son abandon puisque cette ligne ne figurait pas dans le dossier initial de la candidature de Paris 2024 et qu’elle ne desservira pas les sites des JO. Au contraire, les dessertes des JO risquent d’être perturbées par le CDG EXPRESS.
Les enjeux sociaux et environnementaux doivent être clairement LA priorité. Pourquoi privilégier à tous prix, les 17 000 passagers attendus du CDG Express aux 9 millions d’usagers quotidiens des transports publics franciliens ?
Ainsi, pour la CGT, accroître le report modal et augmenter le débit et la fluidité des circulations du Transilien, impose le doublement du tunnel Châtelet – Gare du Nord des lignes du RER B et D. Les prévisions de fréquentation journalière de ces 2 lignes en 2025 sont de l’ordre de 2 millions d’usagers contre 1,5 million actuellement. Deux lignes majeures desservant l’Ile-de-France dans sa partie Nord et Sud. Un projet qui a connu de nombreux rebondissements depuis plus de 20 ans, aujourd’hui refusé pour des questions de coûts et de difficultés à réaliser.
La seule réponse pour tenter de donner de la souplesse est le déploiement de NEXTEO. Il s’agit d’un système automatique de régulation des trains appliqué sur la portion de ligne Châtelet/Paris Nord, afin de réduire la distance d’espacement entre deux trains. Cet outil doit être déployé pour le RER B et D, mais il n’est à aujourd’hui pas financé. L’investissement est estimé à 500 millions d’euros. Le problème est que le niveau de croissance du trafic des lignes B et D et tel que ce système sera déjà insuffisant en 2025.
Des mesures rapides peuvent être engagées pour répondre durablement aux usagers du quotidien et à ceux de l’aéroport, c’est :
▪ Réaliser la boucle du RER B entre les deux branches de la ligne entre Mitry-Claye et l’aéroport CDG ; une solution qui contribuera à améliorer la régularité du RER B, notamment en cas d’incidents ou de pannes sur une branche du RER.
Elle permettra de circuler sur l’autre et de pouvoir rapatrier une rame à Mitry-Claye pour réparation et éviter de repasser par Aulnay pour rejoindre Mitry ou par le tunnel central (saturé) pour rejoindre les ateliers de Massy.
Nous demandons toujours la création d’un atelier pour la maintenance du matériel à Mitry-Claye composé de 4 voies sur fosses. Solution qui permettra une meilleure offre pour la desserte de l’aéroport, une meilleure régularité et aussi de répondre aux besoins des usagers des quatre gares de cette branche « Mitry », en leur permettant de se rendre sur la plateforme de l’aéroport sans avoir à repasser par Aulnay-sous-Bois. Ce qui aura un impact positif sur les temps de transports et la circulation routière. Solution qui permettra aussi d’améliorer le cadencement de la ligne K sur un secteur en forte demande, tout comme pour le TER Picardie avec possibilité de correspondance à Mitry-Claye pour se rendre directement à l’aéroport.
▪ Investir dans du matériel deux niveaux afin d’augmenter la capacité d’accueil et accélérer leur livraison ;
▪ Renforcer les personnels de maintenance RATP et SNCF ;
▪ Préserver la capacité des points de garage des rames terminus ;
▪ Réhumaniser les gares et les trains afin d’assurer la vente des titres de transports pour tous, l’accueil des usagers et leur sûreté, un des vecteurs de la régularité.
L’abandon du CDG EXPRESS est aussi très attendu des usagers et des populations au départ de la gare de l’EST, car le CDG EXPRESS, c’est 3 voies de réservées, voire 4 en situation perturbée qui empêcheront tout développement de dessertes sur la ligne P, alors que les besoins ne cessent de croître.
Pour la CGT, la priorité doit être axée sur la réalisation des travaux de modernisation des lignes existantes et celles programmées dans le cadre du Grand Paris Express.
D’ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que la ligne 17 desservira également l’aéroport. Tous les franciliens doivent bénéficier de transports de qualité. Il est hors de question d’accepter des renoncements ou des reports de travaux comme cela pourrait se produire pour les usagers des lignes B, P et K mais aussi ceux des autres lignes Transilien.
Le Gouvernement et IDF Mobilités pourraient être tentés, pour éteindre la contestation des élus, associations et des syndicats de la ligne B de répondre au calendrier imposé par la réalisation du CDG Express, au détriment des travaux de modernisations des autres lignes transilien.
A titre d’exemple, sans revenir sur mes propos concernant le report des travaux de modernisation des postes d’aiguillages de Brétigny, qui devaient quand même être réalisés en 2015 / 2016, mais celle sur une actualité toute récente, qui nous démontre s’il en était, l’urgence a engagé des travaux de modernisation des infrastructures de transports du quotidien.
En gare de Musée d’Orsay de la ligne C, suite à des infiltrations d’eau, le plafond se détache risquant de blesser les usagers.
A Choisy Le Roi, toujours sur la ligne C du RER, suite à un affaissement de la voie ferrée qui serait lié à la dégradation des berges du lie de Seine qui longe les voies du RER, les travaux nécessaires à la consolidation des berges imposent des interruptions de circulation pour les usagers des gares d’Ivry, Vitry et les Ardoines, chaque jour de 10h à 16h. C’est deux exemples démontrent s’il en était, l’état d’urgence à mettre en oeuvre pour l’amélioration des transports du quotidien. C’est cette vie que pourrait être amenée à vivre les usagers de la ligne B. Urgence également à revenir sur une logique de production basée sur la prévention et non curative.
Assurément, le CDG Express amplifiera ce phénomène car les ressources en matériel d’engins spécialisés à la maintenance de l’infrastructure ferroviaire et les moyens des personnels techniques seront engagés prioritairement pour la réalisation du CDG Express, la filière de la maintenance ferroviaire étant extrêmement tendue.
Alors oui, nous le réaffirmons, les urgences sont ailleurs. La CGT est contre le CDG Express.
Nous sommes à votre disposition pour répondent à vos questions.